Curnonsky
Le choix d'un pseudo est toujours compliqué car on le souhaite, bien entendu, à la fois original et révélateur. On essaye le plus souvent de mettre en avant un aspect de sa personnalité ou d'illustrer une de ses passions. Il peut donc traduire une petite part de ce que l'on est, ou parfois de ce que l'on voudrait être...
Il y avait dans la salle à manger de mes parents un énorme livre relié cuir, intitulé "cuisine et vins de France", et signé d'un mystérieux Curnonsky. Ce livre a impressionné l'enfant que j'étais. Par son aspect d'abord, c'était le plus gros livre de la maison, mais aussi par son contenu. On y trouvait en effet de savantes recettes, dont les sauces aux noms exotiques et aux compositions compliquées étaient l'élément essentiel, des croquis alambiqués censés expliquer comment découper une oie ou un faisan, mais aussi des conseils de bienséance pour le cas, fort embarassant, où l'on devrait asseoir à une même table un archevêque, un général d'infanterie et un ancien ministre ! J'ai malheureusement oublié depuis qui devait être assis à la droite de la maitresse de maison et dans quel ordre les servir !
Ce brave homme était donc un journaliste et écrivain qui fut surnommé "le prince des gastronomes" par ses contemporains entre les années trente et les années cinquante. Il créa tout à la fois l'académie des gastronomes et l'académie de l'humour. Son sens critique était réputé et ses saillies redoutées, telle que celle-ci : "Si le potage avait été aussi chaud que le vin, le vin aussi vieux que la poularde et la poularde aussi grasse que la maîtresse de maison, cela aurait été presque convenable."
Homme de goût au sens de l'humour et de la formule, critique acerbe et plutôt misanthrope, mais néanmoins reconnu par ses pairs, un pseudo révèle effectivement ce que l'on est et ce que l'on voudrait être ...